CN 1184, 2558 091/1 193 275. Altitude 427 m. Date des fouilles: mars 2020. Références bibliographiques: AAS 103, 2020, 148. Fouille de sauvetage programmée, intervention subaquatique (érosion naturelle et activités nautiques humaines). Surface de la fouille env. 7 m². Trouvaille isolée.

En 2019, lors d'un vol en dirigeable, deux pirogues monoxyles, distantes d'une centaine de mètres, l'une sur Fribourg et l'autre sur Vaud, avaient été repérées. Seule l'embarcation fribourgeoise a fait l'objet d'une intervention archéologique au début de l'année 2020. Cette opération s'est inscrite dans le cadre d'une collaboration entre les cantons de Neuchâtel et Fribourg. La mise en commun de ressources humaines, de moyens techniques et de connaissances scientifiques a permis de documenter dans des conditions optimales cette épave immergée. Les plongées successives préalables sur le site avaient mis en évidence une érosion rapide des sédiments recouvrant l'esquif. Ces observations préfiguraient manifestement une disparition inéluctable de ces vestiges fragiles à court terme. En raison de cette menace, l'équipe intercantonale s'est affairée à dégager et à documenter la pirogue dans son contexte original avant son prélèvement. L'extraction s'est faite au moyen d'une grue et d'un berceau en aluminium, glissé préalablement sous l'embarcation. Elle a ensuite été acheminée au Laténium dans un dépôt provisoire à l'abri de l'érosion. En raison de la situation sanitaire, l'opération de documentation à l'air libre a été temporairement repoussée. Localisée à 300 m de la rive et orientée nord-ouest/sud-est, la pirogue reposait directement sur la beine lacustre à faible profondeur. Façonnée dans un tronc de sapin et incomplète, elle mesure encore 6,3 m sur 0,75 m. En fait, seul le fond de la barque, de la poupe aux prémices de la proue, est conservé. Les flancs sont subverticaux et d'épaisseur réduite. Particulièrement exposés à l'érosion, ces éléments n'ont pas été préservés sur toute la longueur de l'embarcation. Au mieux, une hauteur de 18 cm a été constatée du côté bâbord à proximité de la poupe. Le fond est plat et assez épais indiquant qu'il s'agit d'un esquif à section quadrangulaire avec une amorce des bords plutôt évasée. Concernant les aménagements internes, la poupe porte un gradin bien marqué. Proches des bouchains, une série de perforations, réparties régulièrement tous les mètres, a été observée de chaque côté. Ces trous, normalement colmatés par des chevilles, servaient très certainement de jauges d'épaisseur pour contrôler l'évidage du fond lors du façonnage. À l'intérieur de la pirogue et à proximité immédiate, un lot de blocs arrondis, de taille conséquente, a été mis au jour. Si tous n'ont pas été découverts dans l'embarcation, il est vraisemblable qu'à l'origine ils y étaient rassemblés à l'instar de la pirogue vaudoise. Le poids total de ces 31 blocs se monte à 540 kg, le plus gros pesant environ 80 kg. Une datation radiocarbone obtenue à partir d'un fragment de la proue indique que cette pirogue a été façonnée au cours du 10e siècle. La présence de ces barques à cet endroit n'est assurément pas la conséquence d'un naufrage. Au vu des observations réalisées sur place, elles ont fait l'objet d'un entreposage volontaire. Le dépôt de lestes avait pour objectif de les maintenir au fond de l'eau, peut-être pour les conserver en période d'inutilisation. Localisées à la limite cantonale entre Vaud et Fribourg et communale entre Estavayer (secteur Forel) et Chevroux, l'hypothèse de marqueurs territoriaux pour des pêcheries constitue également une piste à suivre. En conclusion, ces pirogues constituent des témoignages rares et remarquables de l'emploi de pirogues monoxyles à l'époque médiévale dans la région des Trois-Lacs.

Mobilier archéologique : pirogue. Datation : archéologique. C14 - Ua-61904, 1123 ± 27 BP, 890-970 BC, cal. 1 sigma, 770-790, 860-1000 BC, cal. 2 sigma. SAEF, L. Kramer, R. Pilloud et M. Mauvilly.