Le bâtiment en cours de transformation est situé dans la rangée côté lac de la Grand-Rue. L’édifice n’est pas excavé; le sol du rez-de-chaussée se trouve entre 1.60 m et 2 m du niveau moyen du lac actuel à 372 m. Les travaux réalisés ont permis d’observer la partie inférieure des murs délimitant la parcelle, ainsi que quelques fondations à l’intérieur de celle-ci. L’une de ces fondations, située dans la partie médiane de la zone de fouille, témoigne d’un état du parcellaire antérieur aux plans historiques du XVIIe au XIXe siècle.

Dans la partie aval de l’édifice, soit du côté de la rue Traversière, une «ruelle punaise» servant anciennement d’égout, des fosses ont été mises au jour en fond de fouille, à environ 373 m, avec parfois à l’intérieur la trace d’une cuve de plan circulaire aux dimensions variables pouvant atteindre jusqu’à 2.30 m de diamètre. La densité des structures, leur niveau d’implantation proche de la nappe phréatique, la matrice argileuse dans laquelle les fosses sont aménagées et la présence de chaux dans le remplissage de deux des cuves permettent d’attribuer ces vestiges à une tannerie, dont l’activité a duré un certain temps selon les recoupements observés. Dans la partie amont de la parcelle, outre quelques fosses apparemment sans relation avec le travail des peaux, une couche de sable et de graviers stérile, dépôt de rive ou terrain rapporté, a été localement observée à 373.58 m.

Comme l’indique Paul Bissegger, la ville de Morges est créée en 1286 par Louis de Savoie sur des terrains autrefois en pâturage et fréquentés par des pêcheurs. Le travail des peaux nécessitant une abondante eau courante et étant en général relégué en périphérie urbaine, la découverte d’une tannerie dans le cœur urbain, entre les deux rues principales que sont la Grand-Rue et la rue Louis de Savoie, était inattendue. Cet artisanat est probablement à mettre en relation avec un ancien bief de la Morges dont le tracé, restitué par l’historien sur la base de documents du XIVe siècle, passe par la rue Centrale pour retourner sur la rue Traversière avant de rejoindre la rue des Tanneurs pour se jeter dans le lac. Ces vestiges, dont les analyses en cours permettront sans doute de préciser la datation, procurent un précieux éclairage sur le développement de la ville et sur une activité économique connue pour y être importante à la fin du Moyen Âge et à l’Époque moderne.

Fouille: sur mandat de l'Archéologie cantonale VD, V. Chaudet