CN 1185, 570 010/192 200. Altitude 451-454 m
Date des fouilles: juin-août 1998.
Références bibliographiques: C. Bursian, MAGZ 16, 1867, 1, 16; E. Secretan, BPA 2, 1888, 25.
Sondages exploratoires et fouille de surface (recherches orientées).
Temples gallo-romains, enclos, voirie, sépultures.

Des recherches orientées menées à l'intérieur de l'une des parcelles récemment acquises par l'État de Vaud ont abouti à la mise en évidence d'un nouveau complexe religieux érigé en bordure ouest de l'ensemble architectural du théâtre et du sanctuaire du Cigognier (fig. 19, A.B). Sondages et fouilles de surface locales ont en effet permis d'identifier deux nouveaux temples à plan centré (fig. 19, C.D) situés à l'avant d'un vaste enclos (fig. 19, E), lequel s'est révélé abriter un bâtiment rectangulaire ou quadriportique (fig. 19, F). Deux observations ponctuelles attestent que ce complexe est venu se superposer, dès la seconde moitié du 2° s. ap. J.-C., à un site funéraire de La Tène finale.

Le temple sud (fig. 19, C): Ce monument a été exhumé à l'emplacement même où les plans anciens faisaient figurer un édifice circulaire interprété comme une tour suite à des fouilles survenues aux environs de 1850-1860. Orienté nord-est, il ne subsistait qu'au niveau de ses fondations dessinant un rectangle de 24 × 20 m hors tout. La cella est de plan carré, de 6.50 m de côté et son mur arrière présente une épaisseur de 3.20 m équivalent au double de celle des autres parois. Cette surépaisseur doit vraisemblablement correspondre à un agencement liturgique non défini (banquette, niches, estrade) aménagé au fond de la cella. A l'opposé, le dispositif d'entrée est marqué par une galerie plus large (5.40 m contre 3.30 m pour les trois autres branches). Conservé sur une hauteur moyenne de 1.50 m, le mur de stylobate de cette galerie périphérique possède une largeur de 1.60 m et il est le vestige qui a le moins souffert du passage des récupérateurs de matériaux et autres collectionneurs d'antiquités. Ceux-ci n'ont en effet laissé que peu de traces du décor architectural de l'édifice: un seul des supports en grès de la colonnade de la galerie a été préservé, élément permettant de restituer un niveau de circulation totalement occulté par les remaniements post-romains.

Le soubassement de la cella et de la galerie a été bâti sur pilotis. Leur fossilisation, consécutive aux divers travaux d'assainissement anciens et récents, n'a donc pas permis de préciser la chronologie de l'édifice; celle-ci repose sur le mobilier céramique récolté dans les tranchées de fondation et qui fournit un terminus post quem de la 2° moitié du 2° s. ap. J.-C.

Sous les remblais de la galerie nord sont apparus les vestiges d'une canalisation aménagée aux environs de la fin du 1er s. ap. J.-C. et qui a été désaffectée lors de la mise en chantier du temple. Observé sur une trentaine de mètres, ce conduit maçonné récoltait initialement les eaux d'un captage souterrain pour les acheminer en direction de l'est, vers un probable collecteur courant sous la place qui sépare le théâtre du sanctuaire du Cigognier.

La fouille des niveaux sous-jacents a en outre révélé la présence, à l'intérieur de la cella, de quatre fosses très pauvres en matériel archéologique ainsi que les restes d'une urne funéraire de la période de La Tène finale découverts à l'angle sud-ouest du péristyle (fig. 19, 2).

Le temple nord (fig. 19, D): D'orientation légèrement divergente, le deuxième temple a été mis au jour une cinquantaine de mètres plus au nord, à proximité du sanctuaire du Cigognier. Il correspond en fait à l'édifice détecté par photographie aérienne dans les années cinquante et des sondages géoélectriques réalisés en 1975. Son état de conservation est identique à celui du temple sud avec des maçonneries parfois entièrement récupérées, uniquement attestées par les pilotis qui les supportaient. L'analyse dendrochronologique effectuée sur ces derniers fournit un terminus de 164 ap. J.-C. pour la construction du monument. Son plan est rectangulaire, de 29 × 20 m, avec une cella de 8 × 6 m et une galerie périphérique large de 4.20 m. La branche orientale, côté entrée, est doublée sur toute sa longueur par un avant-corps de 3 m de large. Ce dernier est constitué de deux locaux adventices disposés de part et d'autre de la plate-forme qui devait probablement soutenir un escalier axial. Le dispositif d'entrée est ici complété par un porche (8.50 × 4.20 m) dont le couvert était supporté par deux colonnes ou piliers.

Ont également été mis au jour les fantômes de locaux annexes accolés au mur est de l'enclos arrière (fig. 19, 3).

Le péribole des temples: La limite ouest de leur péribole est constituée par la fermeture orientale de l'enclos voisin. Au sud de ce dernier, l'enceinte se prolonge par un mur oblique mis en évidence à l'arrière du temple sud (fig. 19, 4). Attenant à un local d'angle de l'enclos, ce mur délimitait une voie arrivant depuis l'ouest et qui bifurquait à cet endroit en direction du théâtre (fig. 19, 5).

On notera l'absence de mur de péribole entre les deux temples. Leur aire sacrée ne semble pas non plus avoir eu d'enceinte orientale. Il faut par ailleurs signaler que les nouveaux édifices n'empiètent pas sur l'espace séparant le théâtre du sanctuaire du Cigognier. En matérialisant de la sorte la limite occidentale de la place, ils viennent au contraire s'intégrer à cet ensemble architectural dont ils respectent l'axialité et en soulignent l'importance.

L'enclos ouest (fig. 19, E): Contemporain voire légèrement postérieur aux temples, cet enclos n'a été que partiellement sondé et la totalité de son emprise, supérieure à 8000 m², reste à préciser. Seuls ses murs est et sud ont été partiellement dégagés. Sa fermeture nord n'est pas connue, tandis que sa limite occidentale, qui est pour l'instant proposée, reprend le tracé d'un mur repéré dans les années quarante (fig. 19, 6). En effet, l'appareil de celui-ci présente certaines analogies (ressaut chanfreiné et élévation en tuf) avec les vestiges dégagés en 1998, ce qui autorise son rattachement à cette enceinte.

Le mur oriental a été observé sur une longueur de plus de 90 m. Sa moitié sud est flanquée de sept locaux extérieurs ouverts qui alternent hémicycles et rectangles (fig. 19, 7). Leur situation, dans l'espace laissé libre à l'arrière des temples, porte à croire qu'ils participent au complexe religieux, peut-être en tant que niches pour un ensemble statuaire. Le rythme de ses exèdres s'interrompt à hauteur du temple nord, à l'endroit où le mur d'enclos vient frôler ce dernier, pour faire place à une série de piles intérieures et d'annexes (fig. 19, 3).

La façade méridionale de l'enclos borde une voie antique; elle comporte un local d'angle en saillie et des contreforts disposés à intervalles réguliers. Deux murs de refend signalent un dispositif d'entrée médian (fig. 19, 8).

Le bâtiment quadriportique (fig. 19, F): La prospection à l'intérieur de cet enclos a révélé l'existence, dans sa partie sud-ouest, d'un grand bâtiment rectangulaire (46 × 26 m) auquel appartiennent les vestiges figurant sur le plan archéologique de 1910 sous la mention « thermes ? ». Il s'agit en fait d'un quadriportique d'une largeur de 3.60 m, délimitant une cour de 540 m². Sa fonction n'est pas clairement définie: les investigations ont toutefois mis en évidence plusieurs tronçons d'une canalisation soigneusement aménagée qui courait au milieu de chacune des branches de la galerie périphérique pour se vidanger au nord (fig. 19, 9). Son adduction n'est pas connue et doit vraisemblablement se situer en amont, à l'angle sud-ouest non dégagé. Etant donné le contexte, un tel dispositif permet d'avancer l'hypothèse d'un édifice à connotation religieuse, peut-être un nymphée. Toujours est-il que ce bâtiment s'est vu doté, lors d'une phase ultérieure, d'une annexe qui double la galerie orientale et qui s'ouvre au nord (fig. 19, 10).

C'est au pied de cette dernière qu'a été exhumée, dans les niveaux inférieurs, une tombe à incinération laténienne de la fin du 2e s.-début du 1er s. av. J.-C. (fig. 19, 11). Une fouille en caisson réalisée dans la cour du bâtiment a en outre mis en évidence un autre témoignage d'une occupation antérieure: il s'agit d'une fosse recoupée par les fondations du mur de galerie et qui renfermait un mobilier céramique de la 2e moitié du 1er s. av. J.-C. La présence d'un second édifice, dans la partie sud-est non sondée de l'enclos, n'est pas exclue.

Le matériel récolté dans les couches de démolition des temples et de l'enclos signalent une fréquentation du site au moins jusqu'au Bas-Empire.

Les indices qui auraient permis d'identifier les divinités vénérées à l'intérieur de ce complexe font malheureusement une fois de plus défaut. Toutefois, les premiers résultats de ces investigations préliminaires n'en demeurent pas moins prometteurs pour les recherches plus approfondies envisagées dans ce secteur de la plaine aventicienne. Après la mise en évidence, ces dernières années, de l'ampleur de la zone-sanctuaire voisine de la Grange-des-Dîmes, c'est aujourd'hui l'émergence d'une nouvelle aire cultuelle à édifices multiples qui confère à Aventicum un rôle religieux de première importance.

Investigations, documentation: J.-P. Dal Bianco, P. Blanc, M. Meystre, A. Pantet, J. Morel, A. Widmann.
Mobilier archéologique: déposé au MRA.
Datation: archéologique et numismatique, 1er-4e s. ap. J.-C.; dendrochronologique, 164 ap. J.-C.
Fondation Pro Aventico-MHAVD, J. Morel.